Une étude collaborative entre
l’équipe de Philippe Fossati à l’ICM, une équipe de la KU Leuven et une équipe
de l’Université de Maastricht, met pour la première fois en évidence que les
bases cérébrales des émotions varient en fonction du temps.
Nos émotions évoluent au cours du temps. Cela
peut sembler évident, mais comprendre précisément ces variations, leur
dynamique et les régions du cerveau impliquées revêt une importance majeure
dans une perspective thérapeutique. Les variations émotionnelles sont en effet
une caractéristique clé dans plusieurs troubles de la santé mentale comme la
dépression, le stress post-traumatique ou encore les troubles de la
personnalité borderline.
Que se
passe-t-il lorsqu’on ressent une émotion ? Et comment évolue-t-elle au cours du
temps ? Les recherches sur la dynamique des émotions sont relativement
récentes. Les différentes méthodologies développées ont permis de mettre en
évidence deux phases principales dans la dynamique des émotions. D’abord, le
déclenchement de l’émotion qui peut être brutal ou progressif, on parle de
degré « d’explosivité » de l’émotion. Puis la phase de compensation de
l’émotion, c’est-à-dire l’intensification ou l’atténuation de l’émotion au
cours du temps, évaluée par son degré « d’accumulation ».
Les bases
cérébrales de ces deux phases et leurs éventuelles variations au cours du temps
restent à élucider. Des études récentes ont permis d’identifier certaines
régions du cerveau impliquées dans la mise en place des émotions comme le cortex préfrontal médian, l’amygdale et l’insula.
MAIS COMMENT L’ACTIVITÉ
DE CES DIFFÉRENTES RÉGIONS DU CERVEAU VARIE-T-ELLE AU COURS DES DIFFÉRENTES
PHASES D’UNE EXPÉRIENCE ÉMOTIONNELLE ?
Pour le savoir, les chercheurs de l’ICM, de la
KU Leuven et de l’Université de Maastricht ont réalisé une expérience sur 31
participants.
Ils leur
ont demandé de rédiger plusieurs textes courts sur des sujets personnels comme
leurs rêves ou les aspirations. Ces textes étaient ensuite lus par des juges
qui en déduisaient la personnalité des participants. En réalité, tous les
participants recevaient les mêmes retours négatifs ou neutres sur leur
personnalité, indépendamment de leurs textes. Les chercheurs ont ensuite
demandé aux participants de lire et de réfléchir à ces retours pendant 90
secondes et de notifier les changements émotionnels ressentis au cours du
temps. En parallèle, l’activité de leur cerveau était enregistrée par IRM fonctionnelle, qui permet d’observer
en temps réel l’activation des différentes régions du cerveau.
Les
chercheurs ont ainsi pu étudier les régions du cerveau impliquées dans
l’explosivité et l’accumulation des réponses émotionnelles suite à une
expérience sociale négative, connue pour générer des réponses émotionnelles qui
durent dans le temps et qui permettent donc de bien différencier les deux
phases.
Les
résultats montrent que les phases de déclenchement et de compensation des
émotions sont les deux principaux constituants des changements émotionnels au
cours du temps et sont associés à des régions distinctes dans le cerveau. Les
différences au niveau de l’explosivité du déclenchement de l’émotion sont liées
à une activité dans le cortex préfrontal médian. Cette
région est supposée être impliquée dans la perception que l’on a de soi-même.
Ici, son activation pourrait donc refléter la différence entre l’évaluation
donnée par les juges et l’idée que les participants ont d’eux-mêmes. Les
différences au niveau de l’accumulation sont, elles, liées à l’activation de la
partie postérieure de l’insula, une région connue pour jouer un rôle clé dans
l’intégration des signaux émotionnels.
Il s’agit
de la première étude montrant que l’activité des régions du cerveau qui
orchestrent la réponse émotionnelle varie au cours du temps. Elle souligne par
là même l’importance de prendre en compte cette dimension temporelle pour
comprendre les bases cérébrales de l’évolution des émotions, du déclenchement à
l’intensification ou à l’atténuation, à la suite d’un processus d’exclusion
sociale. Ces résultats pourraient avoir des conséquences sur les
traitements des troubles de la santé mentale.
Source : The neural basis of emotions
varies over time: Different regions go with onset- and offset-bound processes
underlying emotion intensity. Résibois M, Verduyn P, Delaveau
P, Rotgé JY, Kuppens P, Van Mechelen I, Fossati P. Soc Cogn Affect Neurosci.
2017 Apr 11.
No hay comentarios:
Publicar un comentario